L’invention du papier vélin et Baskerville au 18ème siècle (2ème partie)

Vente en ligne d'estampes modernes et anciennes

L’invention du papier vélin et Baskerville au 18ème siècle (2ème partie)

Le travail et les belles réalisations de Baskerville restent cependant ignorés de la plupart de ses contemporains typographes, à l’exception de Bodoni à Parme. 

Jean-Baptiste Bodoni (Saluces, 1740- Parme, 1813) arrive à Parme en février 1768 pour y prendre la direction de l'imprimerie Ducale. Elle acquiert dans ses mains une grande notoriété attribuée aux perfectionnements qu'il apporte dans les procédés pour graver les matrices, pour couler les caractères et aux améliorations introduites dans les diverses parties de la presse. 

Deux évènements vont offrir une reconnaissance au travail de Baskerville. 

Tout d’abord Baskerville se lie d’amitié avec l’imprimeur et scientifique Benjamin Franklin (1706-1790).

Peu de temps après la mort de Baskerville, Franklin emporte un jeu de ses caractères et ceux de William Caslon aux très récents États-Unis d’Amérique. Cela explique leur présence (ainsi que celle des caractères du Français Pierre-Simon Fournier) dans les premières publications fédérales américaines et sur la déclaration d’Indépendance. Franklin aurait appelé le typographe anglais «Baskerville of America» en raison de la qualité de ses éditions.

William Caslon (1692-1766) est un typographe anglais de renom. 

En outre, l’une des grandes réalisations éditoriales du XVIIIe siècle en Europe permet de faire connaître les réalisations de Baskerville. 

À la mort de Voltaire (30 mai 1778), des admirateurs du grand homme fondent la « Société Littéraire Typographique » pour entreprendre l’impression de la première édition posthume des Œuvres complètes du philosophe. Cette impression inclut pour la première fois sa correspondance générale. Ce projet, réalisé sous la direction de Beaumarchais et de Condorcet, s’inscrit dans la perspective d’une diffusion militante des textes et des idées des Lumières. Les éditeurs livrent, entre 1785 et 1790, une édition in-octavo en 70 volumes et une édition in-douze en 92 volumes des Œuvres complètes de Voltaire. 

John Baskerville décède en 1775. En 1779, sa femme vend ses poinçons et matrices à la « Société Littéraire Typographique ». La Société s’en sert pour éditer les œuvres complètes de Voltaire connue sous le nom d’édition Kehl, du lieu où elle est imprimée, entre 1783 et 1785. C’est donc aussi à Beaumarchais que l’on doit de connaître l’œuvre typographique de Baskerville.

L’imprimerie de Beaumarchais est dans un premier temps installée au fort de Kehl, cité limitrophe de Strasbourg tour à tour française, allemande voire autrichienne par moment. Il y réunit une quarantaine de presses qui roulent quasi exclusivement pour l’œuvre complète de Voltaire. La Société Littéraire Typographique, véritable gouffre financier, est liquidée en 1791. Les matériels sont en partie rapatriés à Paris. Les types de Baskerville sont ensuite rachetés par la famille Didot, célèbre imprimeur parisien. C’est Charles Peignot qui les restitue lui-même à l’imprimerie de l’université de Cambridge en 1953.

Comment lutter contre la concurrence des papetiers anglais ?

Les papetiers français souhaitent pouvoir produire un papier de la qualité de celle des anglais, mais la France étant en conflit avec l’Angleterre, ils ne peuvent leur demander la révélation de leur découverte. 

C’est Benjamin Franklin (1706-1790), imprimeur de métier, qui fait connaître la machine des papetiers anglais aux français. Il le fait lorsqu’il séjourne en France entre 1776 et 1785 comme ambassadeur des jeunes États-Unis d’Amérique et fait venir une presse dans sa maison de Passy. Il visite l’imprimerie de François Ambroise Didot et lui confie son petit-fils, auquel Firmin Didot enseigne la gravure et la fonte des caractères. 

C’est Etienne et Joseph Montgolfier qui, en 1777, fabriquent le premier papier vélin français à Vidalon. Joseph met au point le papier à filtrer, qu’on appelle, le « Joseph », et qui devient le papier joseph. 

Le papier vélin est ensuite perfectionné : François-Ambroise Didot dit « Didot l’aîné» (Paris, 1730 – Paris, 1804) est imprimeur, éditeur et fondeur de caractères français. Il est le père de Firmin Didot qui lui succède. Didot crée une manufacture de papier et c’est dans son imprimerie que sont faits, en 1780, les premiers essais d’impression sur papier vélin avec les papetiers Johannot d’Annonay.

1800 : un tournant

Toutefois, au tout début du 19ème siècle, papier à la forme, le papier vélin reste encore un produit de luxe, utilisé pour des tirages limités. 

Il faut attendre l’invention de la machine à papier en continu (en cylindres) pour que l’usage du papier vélin devienne courant et supplante le papier vergé. Louis Nicolas Robert (Paris, 1761 – Vernouillet, 1828) invente en 1798 dans les locaux de Saint-Léger Didot qui le soutient, la première machine à papier qui permet de produire de longues bandes de papier. Le brevet pour une machine à faire le papier d’une très grande étendue est déposé le 18 janvier 1799 : c’est le premier brevet de ce type. Peu performante à ses débuts, en avril 1800, Didot achète à Robert son brevet d’invention et s’associe à son beau-frère anglais John Gamble. Ils exploitent le brevet en Angleterre, en apportant les modifications nécessaires à la machine pour une meilleure rentabilité. 

Léger Didot, dit Saint-Léger (1767-1829) est le fils cadet de Pierre-François Didot et le promoteur de la machine à produire le papier en continu fabriquée en Angleterre sous l’appellation de « Didot’s mechanics.

C’est après la fin de l’Empire, à partir de 1815, que de nombreux autres brevets sont déposés par divers papetiers en France et en Europe. Ils améliorent notamment la machine de Robert et entraînent la création de nouvelles entreprises papetières mécanisées. Quand elle atteint sa perfection, vers 1830, après de nombreuses innovations, la machine de Robert change la nature du papier : par exemple, on n’imperméabilise plus le papier à la gélatine de peau après sa fabrication mais pendant sa fabrication en introduisant une colle de colophane directement dans la pâte.

A partir de 1820 : réelle diffusion du papier vélin en France

« Les années 1820-1825 voient un très large mouvement d’expansion des papeteries, soit par la création de nouveaux moulins, soit (surtout) par l’extension des usines existantes. Mais cette phase d’expansion est stoppée par la crise du crédit qui touche la France à la fin de 1825. Les producteurs de papier mécanique, qui ont réalisé de lourds investissements, sont les premiers touchés. Mais ils s’en sortent finalement mieux que les producteurs traditionnels. Cette situation ne fait qu’accroître la rancœur de ces derniers contre « les propriétaires d’usines à mécanique ». Source et pour en savoir plus

Malgré l’accélération de la production du papier vélin partout en France et en Europe, le papier vergé continue d’être produit. On en trouve encore aujourd’hui de très bonnes qualité. L’une des premières choses que doit connaître un collectionneur d’estampes débutant est bien de pouvoir identifier s’il a entre les mains une épreuve imprimée sur vergé ancien ou sur vélin. Il peut alors en principe déterminer s’il a affaire à une estampe « ancienne » (i.e. antérieure à 1820) ou plus récente. 

Pour accéder à la première partie de cet article, merci de cliquer ici

Fin de l’article ‘L’invention au 18ème siècle du papier vélin’ – @ Tous droits réservés Philippe Altmeyerhenzien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *